En 1986, des journaux américains révèlent le passé nazi de Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l’ONU et candidat des droites à la présidence de la République. Néanmoins, en dépit de sa particiation aux atrocités aux Balkans lors de la Guerre, le 8 juin 1986 l’ancien officier de la Wehrmacht est élu Président de l’Autriche.
C’est dans ce milieu et dans ce contexte que Helnwein commence sa création artistique. Entre 1965 et 1969 il suit des études à l’institut expérimental de haute éducation graphique (Höhere Graphische Lehr-und Versuchsanstalt) à Vienne. Helnwein trouve l’atmosphère à l’école loin du message transmit par son nom : il trouve le cadre conservateur et enfermé. Un jour, lors d’un cours de dessin d’après un modèle nu, l’artiste se coupe la main accidentellement avec une lame de rasoir. Avec le sang qui coule, il dessine un portrait d’Hitler . Les professeurs de l’école sont appelés en classe où ils dénoncent l’acte de l’artiste comme une menace pour la réputation de l’école. Le tableau a été confisqué et peu après, Helnwein a été renvoyé de l’école.
Cette expérience fait instructive pour le jeune artiste. C’est là, qu’il a appris la force de l’image. Il a réalisé que par l’art, on pouvait provoquer des changements, on pouvait créer d’une prise de conscience, à condition qu’on connaisse les points faibles des spectateurs.
Le premier point faible des gens est le sang. La vision du sang, de blessures humaines pourrait inciter les gens à réagir, à devenir sensibles et à ne pas rester indifférents. Helnwein raconte que la vision de son sang par les autres, l’a rendu soudainement intouchable à l’école. Dès le moment du saignement, les autres personnes ont changé leur attitude envers lui.
Outre le sang, l’artiste a découvert un autre point faible, qui concernait peut-être moins la société en général, que la société autrichienne, à laquelle Helnwein appartenait : l’évocation du passé nazi.
Un portrait d’Hitler, créé avec du sang, combine les deux éléments explosifs dont Helnwein parle. Le message que l’artiste propage est loin d’être un éloge au Führer. D’après moi, Helnwein a fait un essai, avec son propre moyen d’expression qui était l’art, et avec son propre source d’existence qui est son sang pour réveiller son entourage, pour le rendre plus conscient de son passé si bien caché et nié. Le sang, dans l’idéologie nazie, est une indication de pureté de la race. Les artistes étaient appelés à montrer l’expression de la race aryenne à travers leur art. Helnwein prend cet ordre à la lettre : il peint un portrait d’Hitler avec du sang aryen “ pur ”. Comme dans ses aktionen, dont j’ai parlé plus haut, peu importe la nature de la réaction du public, tant qu’elle existe, tant qu’elle est provoquée, tant que les questions sont posées. Le simple fait, que ce portrait ait provoqué une protestation si forte de la part de ses professeurs à l’école, clarifie l’importance de ce que l’artiste a trouvé pour traiter le sujet à “ haute voix ”.
Le contact avec des tabous par l’esthétique et d’une façon subtile (d’après sa compréhension), était la solution que l’artiste a trouvé pour provoquer des réactions chez son auditoire. Cette clé va lui servir tout au long de sa carrière.